Dans le cadre de la construction d’un ouvrage, le maître d’ouvrage bénéficie d’une garantie légale d’une durée de dix ans (à compter de la réception de l’ouvrage) pendant laquelle le constructeur est responsable de plein droit en cas de désordre :
Portant atteinte à la solidité de l’ouvrage
Ou rendant l’ouvrage impropre à sa destination
Qu’en est-il des désordres futurs qui ne relèvent pas au moment de leur apparition de la garantie décennale ?
Dans un arrêt du 18 mai 2017, la Cour de Cassation a eu une nouvelle occasion de se prononcer sur la notion de désordres évolutifs affectant un ouvrage.
Dans cette affaire, un couple a confié des travaux de réhabilitation de leur maison d’habitation à une société.
Suite à l’apparition de fissures, ils ont sollicité une expertise judiciaire puis assigné en indemnisation l’assureur décennal de l’entreprise en liquidation judiciaire.
La Cour d’Appel a jugé que les fissures ne relevaient pas de la garantie décennale aux motifs qu’elles ne rendaient pas l’ouvrage impropre à sa destination et ne compromettaient pas la solidité de l’immeuble au jour de l’expertise.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel en rappelant que les magistrats d’appel auraient dû s’expliquer sur les conclusions de l’expert judiciaire, ce dernier ayant estimé que les désordres allaient atteindre de manière certaine, avant l’expiration du délai décennal, la gravité requise par l’article 1792 du Code Civil.
La jurisprudence permet ainsi de réparer des dommages qui ne relèvent pas encore de la garantie décennale dans la mesure où leur gravité se révélera de façon certaine avant l’expiration du délai de dix ans.
Les désordres futurs doivent donc :
- être dénoncés judiciairement dans le délai décennal par le biais d’une assignation ;
- acquérir avec certitude un caractère décennal (atteinte à la solidité ou impropriété à la destination) ;
- avant l’expiration du délai de dix ans.
Les désordres futurs doivent donc être distingués des désordres évolutifs qui se définissent comme étant des désordres de nature décennale, réalisés et dénoncés dans le délai décennal et qui se poursuivent et provoquent de nouveaux désordres, postérieurement à l’expiration de ce délai.
Ainsi, selon la jurisprudence, les désordres évolutifs ne seront pris en charge dans le cadre de la garantie décennale que si trois conditions sont réunies :
- les désordres initiaux doivent avoir été dénoncés dans le délai de la garantie ;
- les désordres initiaux doivent revêtir la gravité de l’article 1792 du Code Civil avant l’expiration du délai de 10 ans ;
- les nouveaux désordres doivent être l’aggravation, la suite ou la conséquence des désordres initiaux et non pas des désordres nouveaux sans lien de causalité avec les précédents.
Sources :
Cass. 3ème Civ. 18 mai 2017 n°16-16006
Article 1792 code civil